Archives du Théâtre 140


Les 'Epigonen' au Théâtre 140 à Bruxelles: des clowns manipulateurs



Le Drapeau Rouge

18-4-1986

Les « Epigonen » au Théâtre 140 à Bruxelles

DES CLOWNS MANIPULATEURS

Ils s'appellent « Epigonen zlv » — cette abréviation signifiant « zonder leiding van », soit « sans la direction de ». Ironie face aux avant-gardes de tout poil, qui présupposent une rupture radicale avec tous les mouvements artistiques qui les ont précédées? Ou faut-il retourner le nom et lire que ces jeunes Flamands se passent des directives que pourraient leur adresser les nombreux épigones qui sévissent sur les scènes?

Peu importe à vrai dire. Ce qui est sûr, c'est qu'ils « mouillent leur maillot », comme on dit, et qu'ils attirent un public nombreux dans la salle du 140. Ils sont deux garçons, l'un musclé l'autre plus frêle, et deux filles. Ils se collettent avec une énergie qui est sans doute celle du désespoir avec les objets, mais aussi avec leurs partenaires. Ils incarnent une espèce d'homme existentiel, confronté à l'hostilité du monde matériel et à l'agressivité et la force de destruction du temps, mais aussi des sentiments (y compris l'amour).

On n'est pas loin du cirque, sauf que ces clowns-acrobates (qui ne craignent ni l'essouflement ni le vertige et utilisent abondamment trapèzes et échafaudages) paraissent dessiner, à travers leur agitation frénétique, des gestes essentiels de la condition humaine. Lesquels? Ce n'est pas toujours très clair parce que, paradoxalement, le spectacle reste fort abstrait.

Ce sont, d'autre part, de formidables manipulateurs, qui n'hésitent pas à placer le public dans des situations (gênantes? drôles?) de voyeurisme, qui émoussent les sensations (par exemple en tournant en rond pendant vingt minutes, poursuivis par un énorme punching-ball auquel ils impriment un fort mouvement de rotation) pour-mieux les aiguiser ensuite.

Leur spectacle s'appelle Incident, parce que « pour que ce soit bien, il faut que ça ne marche pas ». Si les situations ne sont pas toujours très claires, si les idées se répètent parfois ou s'étirent, il faut bien admettre que la manipulation parvient, en l'occurrence, à son but : au bout du compte, ces « épigones » fascinent.

Serge GOVAERT.

Dernières représentations ces vendredi et samedi soir a 20 h 30 au Théâtre 140 avenue Plasky 140 à 1040 Bruxelles. Réservation tél. 02/733.97.08

Auteur Serge Govaert

Publication Le Drapeau Rouge

Performance(s) Incident

Date(s) du 1986-04-10 au 1986-04-19

Artiste(s) Epigonen

Compagnie / Organisation