Archives du Théâtre 140


De Kazuo Ohno à Decouflé, la 24e danse du théâtre 140



Le Soir

23-9-1986

De Kazuo Ohno à Decouflé, la 24e danse du théâtre 140

Ses migrations en décalages horaires n'ont plus de secret pour grand monde; quant à son insolence... Qui s'étonnera donc de ce que Jo Dekmine ait baptisé la 24e saison du 140 : « Voyage en impertinence »? Et de nous assurer derechef que celle-ci sera encore plus « pointue », encore plus « progressivement nouvelle », encore plus exigente que les 23 précédentes.

Une majorité de chorégraphes, ou assimilés, pour mener la danse d'une grosse quinzaine de spectacles qui presque tous — dit-il — parlent évidemment d'amour, fût-ce de manière sous-jacente. A commencer (après un concert des Nits) par la Vals Bloed Dance Company d'Amsterdam, cinq rigolos gracieux sur fond de « fifties » : So Long, Johnny (le 27 en « portes ouvertes » puis du 30 septembre au 4 octobre). Trois jours après seulement, et ça l'inquiète, le Jo, son grand chouchou de l'année, « en hommage à ma mère et à mon père qui fut mon premier ministre de la culture », murmure-t-il joliment :

Kazuo Ohno, précurseur et maître du butô avant même que cela se nomme ainsi, « le plus grand danseur japonais du siècle », fête ses... quatre-vingts ans! en célébrant La Argentina espagnole qui l'éblouit à Tokyo en 1929 (le 7 octobre). Ce n'est pas parce que qu'ils figuraient dans L'Exil de Gardel que les Argentins de Nucleodanza manquent d'air : L'Un dans l'autre, ils prennent avec le tango quelque distance libératrice (du 13 au 15 octobre).

Neuf chansons nouvelles pour des adieux : ceux de William Sheller à son quatuor à cordes — et un dernier petit tour ensemble (17-18 octobre). Selon Dekmine, c'est à Elvis Presley et à Albert Einstein que le jeune Stephan Eicher devrait son techno-rock suisse... (à vérifier le 25 octobre). Philippe Decouflé, lui, ne doit guère à personne : on vous l'a déjà dit et redit quand il fit trembler, cet été, les cloîtres d'Avignon. Son Codex devrait donc, aussi, faire l'un des bonheurs fous du festival Gestes (le 29 octobre). Dans Gestes encore, Michèle Anne De Mey en Face à face avec Jean-Luc Ducourt : sa première danse de couple (5 au 7 novembre). Seul, par contre, mais à lui seul l'orchestre entier, tout dans la voix et le thorax, Bobby McFerrin (« in » le 1er Festival international de jazz de Bruxelles —, le 8 novembre).

Marsupilami...

Avant même qu'ils se décoiffent, eux aussi, Avignon, avec leurs Filles du chef, Dekmine avait déjà réservé aux gérants de Grand Magasin, Pascale Murtin et François Hiffler, La Vie de Paolo Ucello, leur précédent spectacle. S'ils sont aussi versé en cette matière (picturale) qu'en celle des contes nigériens (mon œil), le cours promet d'être gratiné (10 au 15 novembre). En récréation, le patron du 140 affiche des Conversations musicales, amoureuses, boulevardières, situationnistes et pour tout dire « marsupilamiennes », en version grommelot : c'est Georges Aperghis qui aurait commis ça pour le compte de Michael Lonsdale, Edith Scob et Jean-Pierre Drouet... (24 au 29 novembre.)

On redanse avec les sept Italiens de Sosta Palmizi, côté cour : Il Cortile, peut-être quelques Epigonen ou Jan Fabre péninsulaires (1er au 6 décembre). Pour suivre, croyez-le ou pas, on relit... Tchekov et Racine! La Mouette du premier, il est vrai, prend son envol dans une Russie de pacotille et de goulag, via le Centre dramatique de Picardie de Pierre Pradinas (ex-Théâtre du Chapeau Rouge en Place de Breteuil). Quant au Britannicus du second, il tombe entre les mains des cancres du fond de la classe du Théâtre du Binôme et de François Rancillac, exégète helzapoppinien (2 au 7 février). Dekmine lui-même, c'est tout dire, renonce à définir les entrechats d'Yves Musard : mais quand vous saurez qu'il danse Antipodes... (16 au 21 février).

Le Wissel Theater, par contre, lui rappelle les Radeis — encore que : Où est la bête? s'interrogent un Flamand, un Américain et un Canadien. L'assassin se nommerait Procuste (9 au 14 mars). On l'avait bien vu, en juillet des Papes, le Jo s'agiter off autour de ce Petit garçon rouge avec bilboquet : le voici donc in 140, plus réel qu'il ne l'est dans les rêves de Marie, la mère qu'il n'aura jamais (23 au 28 mars). C'est au Splendid que Dekmine a re-déniché Tom Novembre (espéré en avril/mai) comme Godot.

Enfin, le voyage de saison pourrait se terminer à Rio (il y a pire!), à l'enseigne de Bel Prazer : samba! — mais pas carnaval : impertinente, peut-être?

CATHERINE DEGAN.

Auteur Cathérine Dégan

Publication Le Soir

Performance(s)

Date(s) 1986-09-23

Artiste(s)

Compagnie / Organisation