Archives du Théâtre 140


'So long Johnny' L'auto-dérision irrésistible des Hollandais de la 'Vals bloed dance company'



La Libre Belgique

30-9-1986

Au Théâtre 140

« So long Johnny »

L'auto-dérision irrésistible des Hollandais de la « Vals bloed dance company »

Ces Hollandais de la « Vals bloed dance company » déploient un art consommé du ridicule, du dérapage et de l'image qui se déglingue. Ils sont quatre à mener une lutte-étreinte féroce, cruelle et jouitive. Helga Langen, la grande brinque verte a avalé les ailes de son moulin à vent. Patrice Kennedy, l'appétissante noire moule ses bulbes de tulipes dans un simili-cuir. Esgo Heil, le brun efflanqué, a la détente souple du patineur à glace dilettante. Matthias Maat, l'employé de bureau en costume gris flanelle, a la raideur d'un guidon dans le dos et une routine de dynamo dans le sang.

Ils ont des tronches inénarrables dignes des meilleures bandes dessinées tant elles sont typées et caricaturales. Au total, deux « intro » et deux « extra » vertis et vernis à leur manière. Chacun cherche à donner le change, à se peindre avantageusement dans le miroir de l'œil de l'autre. Le palais des glaces date des années cinquante. La rencontre tumultueuse du quatuor se passe nulle part et partout. Mais dans un lieu où comme par inadvertance, les instincts refoulés déchirent le plafond des oubliettes pour éclater violents et grossis à la loupe.

Les « tout-ce-que-vous-avez-toujours-fait-de-travers-et-dont-vous-avez-toujours-eu-honte », ou « tout-ce-que-vous-n'avez-jamais-osé-faire-et-dont-vous-avez-toujours-rêvé » se bousculent avec impertinence. Les Hollandais maîtrisent, pince sans rire, la magie de l'auto-dérision. Là où Woody Allen marque les mots de sa patte ravageuse, les « Vals Bloed » décortiquent le geste comme une crevette, le laissant nu et rose, fragile et grotesque.

Dans leur ballet, bal laid, le monde serait comme une immense piste de danse où s'exerce la danse maladroite de la séduction. Leur ballet-balai aux poils durs et piquants érafle et décape la frime ordinaire. Extériorisant les pulsions jusqu'au « non-sense », ravalant les inhibitions jusqu'à la paralysie sentimentale, leur danse tangue en contrastes et en surprises pour un voyage en absurdie quotidienne. Jamais les personnages n'échafaudent un lien abouti. Toutes leurs tentatives avortent, butant sur une pierre anodine qui devient montagne. Et tout cela est charme, et tout cela est rire... irrésistible.

C.D.

Jusqu'au 4 octobre au Théâtre 140, av. Plasky, à 20 h 30. Tél.: 733.97.08 de 12 h à 18 h.

Auteur Claire Diez

Publication La Libre Belgique

Performance(s) So long Johnny

Date(s) du 1986-09-27 au 1986-10-04

Artiste(s) Vals Bloed

Compagnie / Organisation