Archives du Théâtre 140


So long Johnny au 140: ma première surprise-party…



Le Soir

1-10-1986

So long Johnny au 140 : ma première surprise-party...

Vous aimez la danse, vous aimez les ballets, les entrechats gracieux et les pas-de-deux ailés, alors de grâce, ne vous égarez pas dans cette ménagerie certes gaillarde et truculente mais bien faite pour décevoir les nostalgiques du petit chausson de satin rose! Car ici, sous le label amstellodamois de « Vals Bloed Dansetheater », c'est avec des créatures suantes, malodorantes, couinantes qu'il vous faudra compter, pour votre plus grand plaisir d'ailleurs, un plaisir voyeuriste d'égoutier pervers ne craignant pas d'assister aux ébats des rats dans la fange.

Des rats, des singes, de pauvres cloches — comme on veut — en rupture de contrat et s'ébrouant au rythme d'une soirée dansante. L'une est une sorte d'autruche, de grue couronnée, un rien flétrie, et rêvant d'encanaillement, mais sous la table seulement. L'autre au contraire, petite brune musquée et voluptueuse, excelle à jouer de son corps et campe les allumeuses de service. Quant aux mâles, ils sont parfaits, tantôts gominés, raides comme la justice mais chantant mal sous la chemise empesée la fièvre du samedi soir, tantôt plus libérés, toujours en instance de viol.

Les moites paradis...

Pour être dans le vif du sujet, il suffit de se rappeler sa première surprise-party et de fredonner l'air de la chanson idiote qui porte le même nom : cela aide. Et de fait, on s'y croirait : robes des années cinquante qui étranglent la taille, souliers pointus qui peuvent servir à la rigueur à faire un coup bas, lunettes discrètement fumées, musique in entre le

be-bop et le rock, le tout revisité par la troupe dans sa dimension la plus brillantinée.

C'est le Vous habitez toujours chez vos parents d'hier murmuré entre un blues fondant et les transes convulsives de la musique « sauvage », avec toutes les conséquences socio-cul qui imposent. Une tranche de vie grinçante où vous et moi et nos voisins du Nord apparaissons comme ce que nous sommes profondément : de drôles d'oiseaux dont les comportements sexuels (entre autres) donnent lieu à des rituels pas toujours gracieux, en dépit des œillades sublimes et des discours bienséants qui les accompagnent.

Discours, d'ailleurs qui, dans l'affaire en question, est réduit à sa plus simple expression. Ne nous parvient qu'une musique d'atmosphère, celle de la conversation avortée — place au corps... — avec ses petits cris étouffés, ses extases, ses rires gras, oripeaux du comportement amoureux qui ont pour résultat de nous promener entre l'écœurement le plus total et le fourire.

La pièce tout entière tient dans une gestuelle frénétique et des mimiques extrêmement précises dont les implications à force de justesse sont presque... graphiques.

DANIÈLE GILLEMON.

Au Théâtre 140, avenue E. Plasky. Jusqu'au 4 octobre inclus.

Auteur Danièle Gillemon

Publication Le Soir

Performance(s) So long Johnny

Date(s) du 1986-09-27 au 1986-10-04

Artiste(s) Vals Bloed

Compagnie / Organisation