Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

15-10-1986

Nucleodanza au 140

Quatre Argentines y respirent en couleurs. Splendide!

Elle s'appelle Inès Sanguinetti, elle est Argentine et elle danse. Dans « Coup mortel », tranche de vie chorégraphiée par Suzana Tambutti sur un décor musical élaboré par Anibal Zorrilla, Inès incarne dix personnages en suggérant les plateaux et les bas-fonds de la vie. Jusqu'à un assassinat, qui donne son titre à ce poème.

Si lorsque la technique a de l'âme, il est permis de parler d'art, « Coup mortel » est alors de l'art pur.

INSPIRATION ET HUMOUR. Rien que pour ce prodigieux numéro d'un quart d'heure, prenez ce soir le chemin du 140. Vous n'avez plus que ce soir, en effet, pour y applaudir Nucleodanza, cette compagnie de Buenos Aires formée par Inès Sanguinetti, Suzana Tambutti, Margarita Bali et Nora Codima : quatre jeunes Argentines en or qui se dépensent sous nos yeux avec une autorité, un sens de la composition plastique proprement admirables. Invention, inspiration, humour sont au rendez-vous à travers un hommage à Coco Chanel, un « Tête à tête » qui est un pas de deux sorti d'une imagination surréaliste, une « Nuit avec Gardel » qui met en scène, avec un irrésistible expressionnisme, deux nanas et un gomina dans une boîte à tangos. Car le tango sous-tend ces ballets ; un tango délangouré, épicé par le jazz et par des sonorités expérimentales qui soulignent les arêtes visuelles d'un spectacle où la danse refuse la félinité de commande. Nucleodanza privilégie l'épure, le tranchant, le linéaire. D'où la force de ses « courts métrages » saisissants.

COULEURS. Fondée en 1974, cette troupe s'est rapidement imposée à l'attention des amateurs en Amérique et en Europe, et les cinéphiles la découvrirent naguère dans le film de Fernando E. Solanas « Tangos, l'exil de Gardel » qu'interprétait la vibrante Marie Laforêt.

Au 140, découvrez son spectacle sensible et vigoureux. Quatre jeunes femmes qui se travestissent volontiers, qui évoluent dans des éclairages et des costumes raffinés, y tracent un portrait sarcastique et morcelé du monde. Il y a là une santé, une langue, une imagination à découvrir d'urgence. Ces roses qui s'enfoncent leurs épines dans le cœur pour que le sang de l'imaginaire monte à la tête, nous rappellent que danser, c'est respirer en couleurs. C'est ensorceler le silence. Et c'est l'ensoleiller.

Francis MATTHYS.

Ce mercredi à 20 h 30, au 140, avenue Plasky, à Schaerbeek.

□ Après « Je t'aime, moi non plus » et « Equateur », Serge Gainsbourg réalise son troisième long métrage, « Charlotte for ever », qu'il interprète avec sa fille (qui est aussi celle de Jane Birkin), Charlotte Gainsbourg (« Paroles et musique », « L'effrontée »).