Archives du Théâtre 140


'Codex' encodé d'incongru. Philippe Decoufflé présente à Bruxelles le succès chorégraphique qui ravagea Avignon



La Libre Belgique

29-10-1986

« Codex » encodé d'incongru

Philippe Decoufflé présente à Bruxelles le succès chorégraphique qui ravagea Avignon

Decoufflé, souffle de folie incongrue, Decoufflé, indispensable bouffon. Il arrive en Belgique précédé d'un vent de sourires. « Le premier qui dit que la danse, c'est pas du cirque, qu'il aille se faire un brushing chez Decoufflé », écrivait Stéphane Jousni d'Avignon (« LLB » du 31 juillet). Il a fait craquer de rire et d'émotion le Cloître des Célestins de la cité des Papes. Le jeune chorégraphe, le mot et le geste aussi naturellement insolent que gélifiée est sa houppe,a traversé Bruxelles, non pas pour raconter son spectacle (mission impossible), mais simplement pour en laisser échapper quelques fumets irrésistibles.

Sa compagnie s'appelle D.C.A. et tire la langue aux canons chorégraphiques. Sa grand-mère lui a raconté que Decoufflé venait du nom de l'oiseau normand, la couffle. Son plus grand danseur (1,98 m) ressemble à un Dumbo filiforme aux ailes décollées, amidonné de non-sense. Sa plus petite danseuse (1,50 m) pétille, malicieuse souris brune. Quand « Libé » demande à Decoufflé quel est son pas de danse préféré, il répond : « Fichtredouille! On prend un mec par le bout du nez. On tourne, il fait un tour sur lui-même. Je crains que ce ne soit pas possible. Mais j'attend pour le savoir d'avoir fini mon bouquin sur les acrobaties chinoises ».

Vingt cinq ans, il a côtoyé les bizarreries colorées du cirque, les gammes chorégraphiques chez Régine Chopinot et créé de petits spectacles courts de dix minutes. Le Plan K, l'année dernière, avait « tea-time » au rythme de sa « Tranche de Cake », un ballet « Flash-Gordonien » qui s'éclatait en finale par une bataille galactique.

« Codex est plus fin », précise Decoufflé. Séduit par l'invention incongrue d'une encyclopédie, le « Codex Seraphinianus », écrit dans les années septante par un séraphin italien incarcéré, Decoufflé tente de mettre en mouvement cette salade de syllabes, illustrées de bestioles, de microbes et de légumes. Cela donne « Codex », apparemment improvisé comme les jeux « pour rire où l'on ose jusqu'à l'absurde », concoctés par les marmots trépidants et malicieux d'une cour de récréation.

Signe distinctif : une fraîcheur magique et aérienne. Définition du bonheur : « un art qui ne paralyse pas ». Films préférés : « Un chien andalou » et « Les 5 000 doigts du docteur T », une série B des années cinquante, dégoulinantes de couleurs criardes et de pianos déformés. Codex, six danseurs enivrés de costumes, encodés dans l'incongru, six mouvementeurs mûs par le blues de Fats Domino, les rythmes de Oum Kalsoum, les bruitages industriels de Parasite. Un nouveau genre chorégraphique qui met du rire dans son vocabulaire. Ainsi parlent les contaminés.

C. D.

( 1 ) Ce mercredi soir, au Théâtre 140, dans le cadre du festival Gestes 86.

Auteur Claire Diez

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Codex

Date(s) 1986-10-29

Artiste(s) Philippe Decouflé

Compagnie / Organisation