Archives du Théâtre 140

Le Drapeau Rouge

3-12-1986

Danse en cour intérieure

Un espace clos, une « cour intérieure » (en italien, « il cortile »), fermé à l'aide de draps grossiers, avec, pour seul mobilier, un vieux coffre, qui semble être l'unique gardien des traditions théâtrales, voilà le décor extrêmement sobre du spectacle de théâtre-danse présenté au 140 par la troupe italienne Sosta Palmizi (*).

Près d'une heure et demie de bonheur, un véritable ravissement pour les yeux, tant ce qui nous est montré sur scène s'apparente à l'art pictural; les différents tableaux nous troublent par leur profondeur effarante et leur criante vérité... Pourtant, tout semble d'une simplicité déconcertante. Deux femmes et quatre hommes, apparemment très jeunes, se livrent à de superbes compositions, mettent en scène différents personnages magistralement typés et promènent le spectateur d'un tableau à l'autre à travers une fantastique galerie de peinture.

Rythme extrêmement saccadé, donc, mais ce qu'il y a peut-être de plus fascinant, c'est cette étonnante interrogation sur l'artifice scénique, cette véritable remise en cause du spectacle lui-même; elle perce de différentes manières, par exemple quand quatre des acteurs deviennent spectateurs, buvant leur café, pendant que les deux autres se livrent à une irrespectueuse parodie de danse classique traditionnelle.

Avec aussi cette volonté de briser systématiquement l'élan authentique, « l'embrigadement » rythmique en quelque sorte, et qui fait que jamais les six acteurs-danseurs (quel terme employer?) ne communient ensemble dans un mouvement identique. Ainsi en est-il de l'image finale, où l'on voit un personnage interrompre le mouvement entamé avec ses partenaires et revenir sur ses pas, vers celle restée immobile au fond de la scène... Et figés, nous aussi le sommes restés, une fois le spectacle terminé, tant il nous semblait avoir été pénétré de cet univers passionnant...

Pierre MARLET.

(*) Au Théâtre 140, avenue Eugène Plasky à Bruxelles. Ces 3 et 4 décembre à 20 h 30