Archives du Théâtre 140


Te gek, too much, trop trop trop!



La Libre Belgique

11-3-1987

Te gek, too much, trop trop trop!

Le Wissel Theater nous ravit de bonheur avec son spectacle trilingue sadique, saugrenu et rafraîchissant :

"Où est la bête". On crie : "Encore!"

Comme les Radeis, les énergumènes du Wissel Theater forment un trio infernal, mais composé ici d'un Américain, d'un Canadien et d'un Belge. Dans « Où est la bête », présenté au 140 jusqu'à samedi, tout part d'un mythe grec, dont le héros est l'ancêtre des Jack l'éventreur et autres étrangleurs de Boston. Procuste, l'étireur, géant légendaire d'une drôle de mythologie, devient « hôtelkiller », gérant assassin des voyageurs fatigués. Face à ce monstre malade de cruautés qui découpe vivantes ses victimes, deux justiciers enquêtent : E.J. Lone, Sherlock Holmes ou super-Dupont, la tête, et Dick, pauvre assistant-hébété à la Watson.

L'hôtel de l'assassin est un curieux no man's land perdu dans on ne sait quel désert brûlant, traversé par de gros tuyaux de fer. Bizarre, bizarre. Vous avez dit bizarre? Comme c'est étrange... Harnachés de morceaux de conduites métalliques, nos enquêteurs acharnés, reliés à un ampli, grincent les sons les plus sinistres et les plus agressifs sur leurs instruments inédits. Ambiance, ambiance. Le visage assombri de lunettes noires, les épaules renforcées d'une capeline de cuir dur, ces chevaliers de la vengeance touchent au but... Brrrrr! Le « killer de choc » dresse Dick comme un dindon, les deux cerveaux s'affrontent en un combat funeste et délirant. Rhâââ lovely! On en redemande.

Ce « collectif international », excusez du peu, sort de l'école Jacques Lecoq à Paris. Ses trois adeptes sont diaboliquement divins. Le Canadien, Mr Lone, le chef à l'accent rondouillard, pose, la dégaine assurée. Son acolyte américain, Dick, nassille ses éclats et ses découragements de gamin. Le « killer », lui est Belge et adresse aux deux anglophones ses répliques en français ou en flamand. Dick lobotomisé par les questions et les entraînements physiques du killer en perdra son anglais. Notons en passant que ce spectacle hautement culturel associe le divertissement à l'apprentissage des langues vivantes.

Saugrenu et irrésistible, leur polar pétille de non-sense et de juteuses références. Les acteurs sont d'horribles mimes et des musiciens indécents. La représentation énigmatique fourmille d'inventions et d'imprévus.

[…]

Honteusement bonne, la rencontre de Lone et du killer qui tombe et retombe, les jambes flageolantes de frayeur puis inertes. Hilarant, la composition de volatile incongrue par l'Américain. De drôleries loufoques en inventions frissonnantes et cruelles, le burlesque squatte le plateau du 140. C'est la razzia de l'ennui. Le Wissel Théâtre égorge la morosité en sourires lugubres et fantaisies patibulaires. Wanted victimes....

C. D.

Auteur Claire Diez

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Où est la bête

Date(s) du 1987-03-09 au 1987-03-14

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Wissel Theater