Archives du Théâtre 140


Forêt de plastique et danseurs 'angliches'



La Libre Belgique

2-12-1988

Au Théâtre 140

Forêt de plastique et danseurs "angliches"

Look gentleman forestier pour les danseurs, femme de laine pour les danseuses, la Cie de Hexe/Mathilde Monnier offre une chorégraphie inventive et incongrue

Titre : « Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt ». Image : une forêt de tentures plastiques bordent une scène où « irruptent » progressivement deux femmes aux jambes nues revêtues d'un seul tricot de laine brune et cinq hommes affublés de la panoplie kitch du parfait « angliche » en balade santé : pantalon ou bermuda à grands carreaux couleurs d'automne... Ils déboulent sur la scène comme le fuyard se laisse surprendre par une clairière puis le jeu s'amorce fait de clins d'yeux, de provocations, d'effarements et d'abandons : prétextes à une exploration du mouvement, inventive et théâtralisée. Il a du Carroll dans cet univers « conte de fées » où chaque personnage accepte comme normale la situation la plus incongrue, s'y conforme, l'étoffe, la détourne, la contredit, la nourrit... avant de s'en éloigner brusquement.

CHALEUR ET DROLERIE. Dans cette forêt imaginaire, refuge impénitent, une femme, sur la pointe de ses pieds nus, se love fébrilement ou instinctivement au creux de l'homme, cherchant sa chaleur. La récitation des températures des capitales se fait délire d'opérations boursières. Sur les clavecins triomphant de Purcell, hommes et femmes tour à tour tentent un solo sur chaussettes glissantes sans jamais parvenir à maîtriser leurs chutes. Dans cette forêt, un couple tendre et noir nous offre un superbe pas

de deux complètement enlacé, dessiné en épure tant les lignes des corps imposent la perfection symétrique. Ailleurs, les danseurs privilégient le déséquilibre en bloquant un ou les deux bras. Ailleurs encore le corps se métamorphose en araignée de mer ou crustacé mouvant et fluide.

Chaque proposition, chaque séquence, se développe avec un beaucoup de sérieux, exploitant en toute liberté une certaine animalité de l'homme. On pénètre d'un coup comme la vie secrète d'un microcosme où s'improvisent de drôle de colin-maillard et de saute-moutons, où l'homme est un rémora pour l'homme, où la silhouette du danseur devient masse informe sous une couverture découpée en robe. De la forêt de Blanche-Neige, on passe au bal de Cendrillon sur les musique de Michaël Nyman : la cour y brille de tous ses plastiques : perruques, robes, perles et y tournoie de tous ses « kitch artifices ». Deux personnages, l'un petit, l'autre gros, cassent les canons de la danse, parlent, et officient comme Clown et Auguste, comme Laurell et Hardy, dans la représentation.

Imaginatif, le spectacle de Mathilde Monnier, aujourd'hui séparée de son complice Jean-François Duroure, livre un univers fort qui inonde le spectateur et s'offre la liberté de théâtraliser un rapport au corps tout à fait créatif, poétique et contrebalancé d'humour...

C. D.

Jusqu'au 3 décembre à 20 h 30. Tél. 02/733.97.08.

Auteur Claire Diez

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt

Date(s) du 1988-11-29 au 1988-12-03

Artiste(s) Mathilde Monnier

Compagnie / Organisation Compagnie de Hexe