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Fantasmes Kitchs au Théâtre 140: Un ballet de Lisa Marcus (USA) sur des cauchemars sexuels. Audaces et mauvais goût



La Libre Belgique

21-4-1989

Fantasmes Kitchs au Théâtre 140

Un ballet de Lisa Marcus (USA) sur des cauchemars sexuels. Audaces et mauvais goût

Jo Dekmine nous a habitués à un théâtre tout en subtilité, séduisant par ses spontanéités, charmant par ses sincérités, drôlatiques par ses dérisions. Avec « Night Train », il jette un pavé dans les eaux glauques du mauvais goût et de la provocation. Qu'est-ce que le mauvais goût? Pas de définition sans subjectivité, bien sûr. En tout cas, celui qui surcharge le théâtre, volontairement choquant et réaliste, nous laisse de marbre. D'autant qu'il ne viole plus aujourd'hui aucun tabou. C'est l'impression que nous laisse « Night Train » de la chorégraphe américaine Lisa Marcus. Sur un argument intéressant : la nuit d'une voyageuse, titillée par un orage de cauchemars, et d'interdits, bercée par le rythme lancinant d'un wagon-lit, pouvait promettre maintes, échappatoires farfelues ou surréalistes. Mais ici, le farfelu prend les allures d'une démonstration dont l'esthétique et la chorégraphie semblent, aujourd'hui, ringardes et bouffonnes. Reste audacieuse mais incontestable sincérité d'une danseuse-chorégraphe. Nous ne la contestons pas.

Sur la scène, une femme en combinaison bleue pâle tressaille, saisie par les spasmes d'un démon nocturne qui la fera chavirer de l'autre côté du rêve. Son train est un bras métallique amovible rattaché à un socle à roulette éructant des bouffées de vapeur. Le régisseur, isolé devant sa console, serait le machiniste, le démiurge de la conduite sonore. Commence la valse des poinçonneurs. Quatre corps maladroits inassouvis s'ébattent autour de la dame avec une trivialité tellement affichée qu'elle perd en surprises comme en cocasseries. Le train continue sa route mécanique et notre demoiselle bien élevée devient l'institutrice en tailleurs coincé, la fée inaccessible en crinoline électrique et buste nu de bachélite. De traquée, la belle devient conquérante, préhistorique aux seins coniques et pagne de métal cliquetant comme un fourreau gainant l'épée. Frayeur en tailleur, nudité répétée, fétichisme industriel. De rétive en dérive, la surcharge menace et lasse. La danse balbutiée par bribes ne nous sauve pas de l'illustration frénétique. Et le fantasme s'évanouit sous les spasmes de l'exagération naïve.

Claire DIEZ.

Jusqu'au 22 avril à 20 h 30 au Théâtre 140. Tél. 02/733.97.08.

Auteur Claire Diez

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Night Train

Date(s) du 1989-04-18 au 1989-04-22

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Lisa Marcus Company