Dimanche 14 Avril-1963

LE JOURNAL DU DIMANCHE

L' érivain flamand Hugo Claus écrit le plus grand livre du monde : il aura 2 m. 35 de haut et sera en plexiglas sur charpente d'aluminium

(de notre voyé spécial permanent Denis PARENT.)

BRUXELLES, 14 avril.

Ne parle beaucoup en ce moment, de l'écrivain flamand Hugo Claus, 34 ans, joué à Paris voici quelques années. André Reybaz se propose maintenant de monter au Centre dramatique du Nord une autre de ses pièces : "Sucre". Mais Hugo Claus travaille en même temps à un vaste projet: "le plus grand livre du monde ".

C'est dans sa petite maison de Gand, le long des quais moyenâgeux, au milieu d'une bibliothèque tapissée de livres, que nous lui avons demandé quelques détails sur toutes ces "aventures" en cours.

— Le plus grand livre monde ?

L'idée est de moi et j'ai trouvé un grand éditeur new-yorkais qui a voulu et qui a pu se permettre cette espèce de farce. Nous avons consulté tous les ouvrages qui pouvaient nous indiquer quel était, actuellement, le plus grand livre du monde. Nous avons découvert que c'était un ouvrage qui a été publié au Texas. Nous ayons décidé de le battre. Le nôtre aura 2 m. 35 de haut. Il sera en plexiglas sûr une charpente d'aluminium.

Moteur à tourner les pages

"J'aurais beaucoup aimé avoir un petit moteur pour tourner les pages à distance, mais ça, je ne l'ai pas obtenu... Le texte ? Je suis le seul écrivain à y travailler, mais je ne vous en dit rien, ce sera une surprise... »

— C'est une idée typiquement américaine ?

— Pas du tout ! Il y a aussi une tradition de gigantisme en Flandre. Rappelez-vous : nous avons aussi bâti quelques cathédrales dans le temps...

— André Reybaz va monter votre pièce « Sucre » ?

— Oui. C'est une pièce qui a été jouée il y a quatre ans en Hollande quelque cent cinquante fois, ce qui est beaucoup pour un petit pays.

Un petit relent naturaliste

"L'action se passe dans les sucreries du Nord de la France. J'ai été moi-même ouvrier dans les sucreries du Nord quand j'avais 19 ans. Alors, j'ai décrit l'atmosphère, la situation des Flamands qui allaient travailler là-bas... Bien sûr, maintenant, la situation est devenue meilleure, puisqu'il y a quinze ans de cela: la pièce doit avoir un petit relent naturaliste, comme du temps d'Henri Becque, mais peut-être que cela « tient » encore. Quand je l'ai écrite, je venais de « faire un four » avec une pièce poético-mystique. J'ai voulu prouver au public que je pouvais le faire rire ou pleurer dans les bonnes traditions. J'espère que ci cela intéressera les Français, bien que je me demande parfois s'ils aiment autre chose qu'André Roussin ».

— Pourquoi ne vous êtes-vous pas fixé à Paris ?

— J'y ai vécu trois ans et quatre ans à Rome. Finalement, j'ai dû rentrer : j'ai besoin d'un certain humus, d'un certain climat, de certains paysages que je ne trouve qu'en Flandre...